Pourquoi implanter des fermes d’algues en Bretagne alors qu’il y a déjà plein d’algues sur le littoral ?

Postée le 25 juin 2015 | 2 commentaires

Une réponse de Loïc Antoine, spécialiste des ressources halieutiques

Il parait en effet paradoxal de vouloir cultiver des algues là où il y en a déjà une grande variété.

Il faut distinguer les algues à usage principalement industriel et les algues destinées à la consommation, animale ou humaine. Les grandes laminaires, qui poussent toujours au-dessous des niveaux de basse-mer, sont récoltées en Bretagne par des bateaux de pêche et en grande quantité (environ 50 000 tonnes par an) pour une utilisation industrielle telle que les gélifiants pour la peinture. La culture de ce type d’algue ne paraît pas nécessaire du fait des grandes quantités disponibles chaque année si la ressource est bien gérée, et du faible prix (0,20 € le kg). Il ne paraît pas non plus raisonnable de cultiver en mer des algues vertes, compte tenu de l’invasion de certaines baies par ces algues du fait de l’excès d’azote, et du coût élevé de leur évacuation des plages où elles s’échouent.

En revanche il devient intéressant de cultiver des algues « à haute valeur ajoutée », c’est-à-dire que l’on pourra vendre un bon prix sur le marché de l’alimentation. Pour le moment, ces algues sont récoltées dans le milieu naturel, ce qui en limite la quantité alors que la demande augmente. La disponibilité est limitée parce que la répartition de ces algues est elle-même restreinte à la zone intertidale, c’est-à-dire entre la basse mer et la haute mer. Si on arrive à maitriser la culture sur des cordages tendus en mer et qu’on appelle des filières, on peut alors créer une ferme de culture d’algue.

Il faut prendre la précaution de choisir des algues locales pour éviter l’introduction d’espèces dont on ne connaît pas la capacité de dissémination, ou dont on sait qu’elles risquent d’envahir le littoral au détriment des autres algues (voir la question 49).

Une autre solution consiste à cultiver des algues en bassin à terre, en pompant l’eau de mer (il faut être près de la mer !) et en filtrant l’eau rejetée pour être sûr de ne pas rejeter aussi l’algue cultivée si celle-ci est potentiellement envahissante.
En Bretagne il existe des projets en mer et à terre. Ailleurs dans le monde la culture d’algue alimentaire est prospère, au Japon en particulier car les Japonais sont de grands consommateurs d’algues. Au Canada aussi on cultive le « pioca » ou petit goémon (noms bretons du Chondrus crispus) utilisé comme gélifiant alimentaire pour des sauces, des confitures, etc.

La Bretagne a probablement l’un des plus forts potentiels de développement de la culture d’algue en Europe, comme d’autres régions de même topographie telles qu’en Ecosse, Irlande, Norvège, Espagne.

  • Le 19 août 2015 à 11:56, par Maria En réponse à : Pourquoi implanter des fermes d’algues en Bretagne alors qu’il y a déjà plein d’algues sur le littoral ?

    Si l’on veut préserver la ressource en algues sauvages, la culture des algues exploitées par les différents secteurs industriels est nécessaire. En effet, la récolte dans le milieu naturel doit être limitée et bien encadrée pour avoir le minimum d’impact sur l’écosystème marin littoral car de nombreuses espèces animales et végétales ont besoin des algues pour vivre, comme habitat, source alimentaire, lieu de reproduction, ...
    Mais la culture des algues permet aussi de garantir aux industriels un approvisionnement plus durable et plus contrôlé. En effet, les fermes ne reçoivent l’autorisation de cultiver et de commercialiser les algues que dans le cadre d’une bonne qualité de l’eau sur le site de l’exploitation. Celui-ci est par ailleurs généralement implanté dans des zones littorales abritées, ce qui protège les algues lors des tempêtes.

  • Le 19 août 2015 à 11:58, par Maria En réponse à : Pourquoi implanter des fermes d’algues en Bretagne alors qu’il y a déjà plein d’algues sur le littoral ?

    D’autre part, la diversité des espèces de macroalgues est très importante (plusieurs centaines sur nos côtes) comparée au nombre d’espèces réellement exploitées à l’échelle industrielle.
    Dire qu’il y a "plein d’algues" ne veut pas dire qu’il y a suffisamment de telle ou telle espèce particulière pour pouvoir développer une filière industrielle en aval.
    En effet, chaque espèce d’algue possède des propriétés uniques, et va donc avoir des applications et des débouchées commerciales qui seront différentes d’une espèce à l’autre. Mettre en place des fermes d’algues permet donc de pouvoir exploiter plus particulièrement telle ou telle espèce, sans venir modifier la population sauvage.
    Ces fermes représentent également des enjeux économiques et environnementaux non négligeables pour les professionnels de l’aquaculture dans le cadre de l’Aquaculture multitrophique intégrée par exemple (ex. : co-culture algue/moules ou algues/huitre).
    http://www.dfo-mpo.gc.ca/aquaculture/sci-res/imta-amti/index-fra.htm